Quel est le point commun entre la clé à molette, le stimulateur cardiaque (pacemaker), le système d’emballage Tetra Pak, les roulements à billes, la fermeture Eclair et Skype ? Tout simplement la Suède. Ou plus précisément la capacité d’innovation d’un pays ne comptant pourtant guère plus de 10 millions d’habitants.
La Suède s’est imposée comme un pays champion de l’innovation en Europe. Comment la Suède est devenue une place forte de l’innovation? Les nouveaux chiffres du Global Innovation Index montrent que la Suède est le deuxième pays le plus innovant au monde, derrière la Suisse.
Un résultat qui ne doit rien au hasard. A force d’investissements R&D et de volontarisme politique, le pays est devenu une terre d’accueil des innovateurs. Avec des positions particulièrement fortes dans la transition énergétique, la mobilité électrique et la diet .
Selon lOCDE seuls Israël, la Corée du Sud et Taïwan dépensent davantage de ressources financières que la Suède en matière de recherche et développement mais le pays scandinave reste dans le top trois de ce classement. 2023 est de belle augure, le royaume se classe 2e.
"Cela donne de l'espoir pour l'avenir", a déclaré Peter Strömbäck, directeur général de l'Office suédois de la propriété intellectuelle.
L'indice, réalisé par l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle, une organisation des Nations Unies, place la Suède devant des pays comme les États-Unis, l'Allemagne, la Corée et la Chine.
"La Suède réussit bien en matière de création de actifs de connaissances, c'est-à-dire d'actifs immatériels, et de leur utilisation, notamment à l'aide des droits de propriété intellectuelle."
La Suède investit massivement dans la recherche et vise à avoir des universités de haute qualité, a-t-il expliqué, ajoutant que l'une des principales raisons de son succès en matière d'innovation était la manière dont elle utilisait les bonnes idées produites dans ces universités et les transformait en produits ou services concrets.
"Nous sommes bons dans beaucoup de choses liées à l'énergie et à la transition verte", a-t-il déclaré.
Un exemple de domaine dans lequel la Suède obtient de bons résultats est le secteur informatique, où les innovations et les entreprises suédoises sont à l'origine de nombreux développements dans le domaine des téléphones mobiles. Un autre point positif réside dans les entreprises du secteur des sciences de la vie, qui ont produit d’importantes innovations médicales sur la base desquelles des entreprises prospères ont été bâties.
Strömbäck pense que l’accent sera encore davantage mis sur l’énergie et la transition verte à l’avenir.
"Si nous n'avions pas ce pouvoir d'innovation, je serais inquiet. Comment pourrions-nous relever les défis climatiques ? Mais je suis heureux maintenant", a-t-il déclaré.
Un Suédois de moins de 30 ans sur cinq s'identifie comme végétarien ou végétalien, tandis que 50 % des Suédois déclarent qu'ils sont plus intéressés par un régime végétalien maintenant qu'ils ne l'étaient il y a à peine un an.
Avec autant de Suédois envisageant des options alimentaires végétariennes et végétaliennes, les producteurs de produits alimentaires n’ont pas tardé à se joindre à nous. Bien qu’elle soit un petit pays en termes de population, la Suède a une longue histoire de dépassement de soi en matière d’innovation, et son rôle dans le développement de l’alimentation végétalienne ne fait pas exception.
Un vaste pays peu peuplé
Parmi les explications d’un tel succès, « la position géographique de la Suède et son ouverture sur le monde, manifeste dans son engagement précoce dans le commerce international, ont joué un rôle prépondérant […] et continueront de le faire », estimaient deux diplomates suédois, Veronika Wand-Danielsson et Robert Wentrup, dans un article intitulé « L’innovation par l’internationalisation : le cas de la Suède » publié en 2016 dans la revue Géoéconomie.
L’étendue de son territoire pour une population peu nombreuse expliquerait, selon les auteurs, les nombreuses inventions et innovations qui ont vu le jour dans ce pays. Lors de la seconde moitié du xixe siècle, la création par Lars Magnus Ericsson, fondateur de l’entreprise éponyme, de systèmes de télécommunication permettant aux gens de discuter à distance plutôt que de traverser les vastes forêts suédoises en serait une des illustrations. Cette même société, devenue internationale, ne serait pas étrangère non plus au développement des nouvelles technologies dans le pays, notamment d’Internet et du déploiement du haut débit.
Stockholm est par ailleurs au deuxième rang mondial derrière la Silicon Valley pour ce qui est du nombre de pôles technologiques par habitant. Le pays dispose du premier cluster européen (et troisième mondial) en TIC (Technologies de l’Information et de la Communication), la Kista Science City. Rien d’étonnant, donc, à ce que la Suède ait vu naître sur son territoire de nombreuses pépites du web comme Skype, Spotify, King, Mojang, Klarna ou Truecaller.
En 2017, le taux de pénétration d’Internet était déjà l’un des plus élevés au monde (95 %), selon le rapport DESI publié par la Commission européenne. D’ici 2025, le gouvernement prévoit de couvrir 98 % du territoire suédois en Internet très haut débit (1 Go/s).
Six domaines prioritaires pour l’IA
A elle seule, l’industrie électronique (photonique, robotique, génie numérique et nanotechnologies) représente 17,5 % de la valeur ajoutée de l’industrie suédoise. La Suède se place avant les Etats-Unis, la Suisse et les Pays-Bas dans le classement des pays les plus favorables à l’IoT industrielle (IIoT).
Dès 2018, un rapport de l’agence suédoise de financement de l’innovation, Vinnova, identifiait les principaux domaines d’application de l’intelligence artificielle qui devraient permettre de conforter la force d’innovation des entreprises du pays : le développement industriel, les voyages et transports, les villes durables et intelligentes, les services, la sécurité et la santé.
Dans ce dernier domaine notamment, c’est à l’université d’Umeå, dans le nord de la Suède, que la Française Emmanuelle Charpentier, prix Nobel de chimie 2020, a découvert le CRISPR-Cas9 (système permettant de couper l’ADN à un endroit précis du génome).
Disruption dans l’énergie
Cette force d’innovation trouve ainsi son application dans nombre de secteurs. Celui de la transition énergétique en est un bon exemple. Le marché suédois est l’un des plus avancés en matière de transition énergétique. La Suède compte parmi les pays européens ayant le plus d’énergies renouvelables dans leur production d’électricité : 54,6 % en 2018, dont 39 % hydro et 11 % éolien. Ses objectifs à terme sont ambitieux avec 65 % d’énergie renouvelable dans la consommation finale totale d’ici 2030 et 100 % d’ici 2040.
Dans ce domaine, l’innovation suédoise commence dans la conception même des bâtiments en s’appuyant sur le principe de la « prosommation », qui considère un particulier ou une entité à la fois comme producteur et consommateur d’énergie. Les surplus énergétiques produits par des ménages ou des immeubles grâce, entre autres, à des panneaux photovoltaïques, des éoliennes ou de la biomasse permettent d’alimenter le réseau de distribution national ou local.
Aujourd’hui, avec quelque 500 systèmes de chauffage urbain à travers le pays, cette production locale a l’avantage de limiter les coûts de « transport » et de soulager le réseau. Ainsi, Hyllie, un quartier de Malmö conçu en 2010 comme une « ville intelligente du futur », tire toute son énergie du biogaz, de la biomasse, du solaire, des déchets et de l’éolien produits localement. L’ensemble du système fonctionne grâce à un réseau intelligent qui s’adapte en temps réel aux conditions météorologiques, en fonction de l’ensoleillement et du vent.
Omexom, la marque de VINCI Energies spécialisée dans les infrastructures d’énergie, est très active sur ce marché pionnier. Au travers notamment de son nouveau centre d’innovation à Stockholm, The Hive, elle y développe un large éventail d’expertises, que ce soit pour la connexion de la production d’énergie renouvelable au réseau, de la mobilité électrique, de l’efficacité énergétique ou pour le stockage d’énergie.
Expérience pilote
Toujours en matière de transition énergétique, la Suède semble avoir un coup d’avance. Sur l’île de Gotland dans la Baltique, une expérience pilote menée par la société israélienne Electreon avec le concours d’Eitech Electro AB, une entreprise de VINCI Energies, teste une route électrique capable de recharger les batteries des véhicules pendant leur trajet.
Baptisé Smartroad Gotland et déployé depuis l’automne 2020, ce projet qui sera mené jusqu’au printemps 2022 vise à diminuer la part des transports routiers dans les émissions de gaz carbonique du pays. Smartroad Gotland est l’une des quatre expérimentations en cours dans le pays. La Suède prévoit en effet la construction d’environ 2 000 km de routes à induction pour un coût total estimé à 3 milliards d’euros.
Accélération dans le recyclage des batteries ?
Le fabricant suédois de batteries Northvolt a produit le 29 décembre 2021 sa première cellule à base de nickel, manganèse et cobalt 100 % recyclés. L’entreprise s’est engagée à ce que ses batteries soient produites à partir d’au moins 50 % de matériaux recyclés en 2030. La construction de Revolt Ett, son usine de recyclage située à Skellefteå, dans le nord du pays, a débuté en 2019. A pleine capacité, cette « gigafactory » produira 60 GWh de batterie, c’est-à-dire assez pour équiper un million de véhicules électriques chaque année.
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